Contes et Nouvelles Jeanine Henry Suchet

C’est le printemps, les prés sont en fleurs. Un éblouissement de couleurs dans l’herbe, par-delà la cour de la ferme. Au loin, la grosse montagne qu’on appelle « le Plomb » commence à se colorer de vert très clair avec des taches blanches d’aubépine, parmi les teintes sombres des sapins. Partout des pâquerettes, étoiles blanches, des fleurs de dents-de-lion jaunes comme des soleils, de petites fleurs d’un bleu vif, les « yeux de Marie » et le rose mauve des fleurs de trèfle. Cachées dans l’herbe, des violettes qui sentent bon. Près de la haie, en bordure du chemin, des anémones blanches. Marianne cueille une à une ces jolies fleurs, en fait un bouquet qu’elle tient dans sa petite main et court le porter à tata Rose. Dans le ciel, très haut, passent des avions qui laissent une trainée blanche. -          Ils vont bombarder une ville dans le midi, dit tata Rose, comment ça va-t’il finir ? Joseph sort de la cour avec sa hotte sur le dos, Miraud les suit : -          J

Puis il coupe de la viande en petits morceaux, Rose lui tend le hachoir et la hache fait un va et vient rapide, très vite, sur une grande planche en bois. Rose y met du sel, du poivre, répartit la viande en petits tas qu’on empaquette dans une sorte de voile mou :    -          Les fricandeaux, dit la tante, on va les mettre au frais. Et allez tous boire un verre de vin à la cave, j’ai besoin d’être tranquille pour faire cuire le civet. Plus tard, il y a tout plein de monde dans la cuisine, on mange du boudin, puis de la viande avec une sauce brune qui sent très fort. Le boucher n’a plus de barbe, il est allé se raser dans la chambre, avec des objets qu’il avait apportés dans une sacoche. Rose avait préparé pour lui un grand broc de faïence blanche avec de jolies fleurs bleues et une cuvette aussi en faïence, ceux de ses parents qui restent d’habitude sur le haut de l’armoire. Il s’est badigeonné de mousse, puis la barbe est tombée, peu à peu. Marianne le regardait, fas

De temps à autres, Joseph prend la pelote des mains de Marianne et fait un nœud puis il coupe les bouts avec les ciseaux. L’enfant est fière d’aider à cette opération délicate. Et voilà que se forment des boudins, qui sont plongés dans une marmite d’eau bouillante avec une grande branche de laurier, deviennent noirs et sentent bon.  Il reste un peu de sang dans le broc : -          C’est pour le civet ! Pendant ce temps, plein d’autres viandes ont été apportées sur la table de la ferme, dans des plats ou des assiettes. Il y a maintenant plusieurs hommes dans la cuisine, qui fument, parlent et rient. Le boucher arrive dans la cuisine, il est grand, avec une barbe rousse et des cheveux bouclés, très longs : -          Voilà les jambons ! suspendez- les tout de suite dans la cheminée. J’ai laissé dehors les morceaux à mettre dans le saloir.