Contes et Nouvelles Jeanine Henry Suchet

 BREVE RENCONTRE A COINTRIN - EPISODE 4 Elle avait 24 ans et, sortant d’une école de comptabilité, débutait à Paris dans une entreprise qui vendait des emballages pour produits de beauté ; dès le premier soir, on l’avait invitée à voir un film réalisé par le chef de pub Patrick Lefort, qui venait d’obtenir le prix de la « nouveauté créative ». Ce court film de 8 minutes était un ravissement. Sur un air très doux de violoncelle (elle apprit plus tard qu’il s’agissait du célèbre concerto d’Elgar joué par Jacqueline Dupré), des images de synthèse de femmes dansaient avec des flacons de parfum, des poudriers, des tubes de rouge à lèvre… Il n’y avait pas de texte, c’était une symphonie de sourires, seul apparaissait à la fin, en gros, le nom de la firme. Les applaudissements crépitèrent et l’auteur du film se dressa pour remercier. Il était très grand, brun, et ses yeux avaient un éclat d’aigue-marine.    

Fred - Ginette, le journal et un café ! Ginette le sert puis : -   On l’a mise en prison, la Bonne ? Lilia - Non, ils n’ont pas osé, la mère du comte. Mais on a pendu le médecin ! Simone - Bien fait pour lui ! Lilia - Il n’y pouvait rien, le tétanos, ça ne guérissait pas. Maintenant non plus d’ailleurs, Il n’y a que le vaccin ; tu es vaccinée ? Simone - Contre le téta… non, je pense pas. Lilia - Tu devrais… Excuse-moi, je reviendrai plus tard   ( exit ) Ginette (à Fred, lui donnant le journal) Ce qu’elle est savante, cette petite Lilia, moi qui l’ai connue pas plus haute que ça ! elle prépare une thèse sur le tétanos qui rend verts les comtes rouges.

Le cochon grandit depuis un an dans un petit réduit qu’on appelle « la soue », à côté de l’étable. On le nourrit avec du maïs, des épluchures de pommes de terre et tous les restes de cuisine.  Le tuer, une fois par an, avant la Noël, c’est une grande fête pour Rose, Joseph et leurs voisins. Marianne se souvient vaguement de la fête de l’an dernier. Un homme est venu, qu’elle ne connaissait pas. Il avait une veste blanche à carreaux comme celle du charcutier du village.  Il a pris la petite fille, l’a soulevée très haut dans ses bras et l’a embrassée sans rien dire.  Après la fête, on ne l’a pas revu.