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LA MUSIQUE EP 6 FINAL

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Lorsque le piano se tut comme tombe un orage, la grande sœur était rêveuse et maman lança au percepteur son beau sourire :  - Oui, dit-elle, je ne demande pas mieux que de lui confier ma fille...  Ainsi les leçons eurent-elles lieu, chaque semaine, à Thonon-les-Bains, dans le petit appartement qu'avaient loué le musicien et sa femme, sur un grand Pleyel au son doux et perlé, comme on n'en avait jamais entendu.  - Allons, dit aimablement le professeur, le premier jour : vous avez tout à réapprendre. Il faut oublier ce cache-misère qu'est la pédale, et plus de polonaises. Ne vous étonnez pas si je ne vous fais faire que des exercices, pendant plusieurs mois. Commençons par les gammes...  Pendant plusieurs mois donc, l'adolescente n'avait fait que des gammes et des exercices.  Mais on pouvait les jouer de tant de façons : tendrement, doucement (Andante), allègrement, avec entrain (Scherzo), avec tendresse, pudeur, retenue (Moderat...

LA MUSIQUE EP 5

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L'enterrement de la grande Sarah sonna le glas de la vieille fille : on ne pouvait pas ne pas adopter comme professeur l'homme qui en avait été l'exécuteur musical. Le Maestro entra donc un jour à la maison des vignes, véhiculé par le percepteur. C'était un grand vieillard sec, d'origine italienne, qui baisa la main de maman, se déclara charmé par son regard bleu et sourit avec bienveillance à Claire tandis qu'elle exécutait au piano sa polonaise habituelle.  Puis il se leva avec lenteur, s'étira, s'assit devant le piano droit d'études et attaqua sans préambule "La mer" de Debussy dont il avait placé la partition sur le chevalet.  Pauvre piano, on eût cru le voir plier sous la tempête... Les longs doigts du musicien, aux veines noueuses, tavelés de taches brunes de vieillesse, ces doigts couraient sans effort d'un bout à l'autre du clavier ; et ce fut le bruit des vagues sous l'orage, le grondement de la mer en furi...

LA MUSIQUE EP 4

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C'est ainsi qu'apparut, peu après, à la maison, convoyé par la camionnette du vignoble, un piano d'études de marque Erard, qui ne joua pas longtemps très juste, car il avait un cadre de bois contrairement à ce que le marchand de la ville avait expliqué à Maman. Il faut dire qu'on l'avait placé dans la salle à manger, pièce réservée aux trois grands repas de famille qu'on faisait à Noël, à Pâques et pour la fête des Mères.  Par économie, cette pièce n'était pas chauffée dans l'intervalle et pendant l'hiver, lorsque Claire vêtue d'un pull-over et d'un manteau chaud s'essayait à y jouer le jeudi et le dimanche, sa mère braquait contre ses jambes un vieux radiateur électrique de forme soleil. Les passages du chaud au froid ne réussirent pas au pauvre piano dont les cordes se détendirent peu à peu et qui joua de plus en plus faux.  De ses touches une à une se décollèrent les carapaces d’ivoire ; beaucoup d'entre elles oubliaie...