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LA MUSIQUE EP 4

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C'est ainsi qu'apparut, peu après, à la maison, convoyé par la camionnette du vignoble, un piano d'études de marque Erard, qui ne joua pas longtemps très juste, car il avait un cadre de bois contrairement à ce que le marchand de la ville avait expliqué à Maman. Il faut dire qu'on l'avait placé dans la salle à manger, pièce réservée aux trois grands repas de famille qu'on faisait à Noël, à Pâques et pour la fête des Mères.  Par économie, cette pièce n'était pas chauffée dans l'intervalle et pendant l'hiver, lorsque Claire vêtue d'un pull-over et d'un manteau chaud s'essayait à y jouer le jeudi et le dimanche, sa mère braquait contre ses jambes un vieux radiateur électrique de forme soleil. Les passages du chaud au froid ne réussirent pas au pauvre piano dont les cordes se détendirent peu à peu et qui joua de plus en plus faux.  De ses touches une à une se décollèrent les carapaces d’ivoire ; beaucoup d'entre elles oubliaie...

LA MUSIQUE EP 3

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Elle devait garder de ce jour le souvenir de robes d'organdi blanc, de cierges allumés dans la semi-obscurité de la chapelle, d'un élan de pureté vers le ciel. Une retraite avait été prêchée auparavant par un moine aux pieds nus dans des sandales, au visage tourmenté, qui insistait lourdement sur la gravité du péché de chair devant son auditoire de religieuses et de vierges de douze ans.  La veille du grand jour, il tint à confesser lui-même les communiantes et Claire, qui achetait chaque semaine pour le chef caviste "Ici Paris" à la marchande de journaux de la ville et en lisait les pages humoristiques, s'accusa loyalement du péché de chair, car il y avait sur les dessins des femmes nues, ou même des femmes au lit avec leur amant et elle avait ri en cherchant à imaginer ce qu'ils pouvaient bien faire.  Dans l'ombre du confessionnal, les yeux du prêtre brillèrent d'un étrange éclat quand l'enfant lui eut décrit, sur sa demande, en quoi...

LA MUSIQUE EP 2

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A la maison, il n'y avait pas de tourne-disque, et lorsque la TSF jouait par mégarde une symphonie ou un air d'opéra, il se trouvait toujours quelqu'un, maman ou la grande sœur pour dire "arrête donc, ça nous casse les oreilles", et tourner le bouton vers quelque émission plus agréable : Edith Piaf et les Compagnons de la Chanson, "une cloche sonne, sonne", ou un air de Charles Trénet. Totalement ignorante de ce que la musique pourrait un jour lui apporter, Claire apprenait pourtant avec application. Aux exercices de Czerny succédèrent "Le gai laboureur", puis "Le petit livre de Magdalena Bach", enfin les variations de Mozart sur "Ah ! vous dirais-je maman"...  Avec la classe de quatrième, sœur Marie Joachym fut remplacée sans qu'on sût trop pourquoi, par une mince et longue vieille demoiselle qui enseignait également le dessin. Mourant visiblement de faim depuis de nombreuses années, elle semblait avoir tro...