Des sutures digestives... j’avais aidé à en faire plusieurs mais n'en
avais jamais réalisé moi-même, sauf sur le lapin.
- Vous restez pour m'aider Monsieur, je pense.
- Pas le temps et puis pas la peine dit l’assistant, on m'attend en
ville pour une urgence, débrouillez-vous...
Débrouillez-vous... Aidée par l'externe, j’incise le ventre, aspire le liquide digestif
répandu dans le péritoine et je commence à dévider l'intestin.
- Arrose les anses de sérum chaud dit l'infirmière anesthésiste, une
grande et forte fille qui vient de passer six mois en Algérie. La typhoïde, ça
fait le même effet qu'une rafale de mitraillette : il doit y avoir plusieurs
trous. Chaque orifice fera des bulles, ça te permettra de les trouver.
Ainsi est-il fait ; l'intestin grêle se dévide comme les boyaux d’une
gigantesque et molle bicyclette. Les trous font des bulles dans le sérum, ils
sont petits, un centimètre à peine, mais l'intestin malade est friable,
délicat, se déchire sous les fils.
Doucement, minutieusement, je suture au
nylon fin, serti de petites aiguilles, avec la muqueuse en dedans comme j’ai
appris à le faire sur les lapins.
J’arrose à nouveau de sérum chaque trou pour
vérifier l’étanchéité : dommage qu'on ne puisse pas mettre de rustine !
C'est fini, six trous ont été découverts, suturés. Le ventre a été lavé
plusieurs fois, baigné d'antiseptiques grâce aux conseils de l’anesthésiste. En
recousant la paroi, je pense maintenant enfin à autre chose qu'à la technique
pure.
Cette femme, si jeune, va mourir. L'assistant l'a dit. La famille attend
dans le hall la fin de l'intervention pour la reprendre...
Et si l'on pouvait faire quelque chose pour la sauver ?
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