HABIT VERT PALE EPISODE 23 APPRENTISSAGE (suite)



HABIT VERT PALE EPISODE 23 APPRENTISSAGE (suite)

J’avais eu ensuite la possibilité d'opérer des animaux : des rats, des lapins, de réaliser sur eux des sutures nerveuses ou vasculaires. J’ai d'abord aidé un collègue plus âgé qui avait pris ces sutures comme sujet de thèse. Je tenais l'animal endormi sous une compresse d'éther, fixais ses pattes sur la table avec des élastiques, rasais ses poils, tendais les instruments, coupais les fils avec des ciseaux. Le plus dur fut d'apprendre à tuer l'animal ensuite, à supporter ce spasme qui succède à l'injection de penthotal, cette convulsion par où la vie se retire à jamais et cette chose molle que l'on ouvre ensuite, pour vérifier la qualité des sutures... 

Après quelques semaines, j’obtins d'être aidée par mon collègue et d'opérer moi-même. Les sutures délicates me rappelaient mes broderies de jeune fille. Travail minutieux, précis, méthodique, où je devins rapidement adroite et qui me donna l'audace nécessaire pour opérer sans émotion l'être humain vivant.

Sans doute cette recherche éperdue de la prouesse technique me permettait-elle, comme à d'autres chirurgiens, de me cacher que j’avais peur de la souffrance des hommes, peur de rencontrer et partager l'angoisse de la mort, l'anxiété terrible tapie au fond du regard d'un malade. Echanger un regard, aider à supporter un fardeau en défaisant son âme, lot quotidien d'un prêtre ou d'un médecin de famille, ce n'était pas ma tasse de thé. Les ventres ouverts n'ont pas ce regard d'angoisse : tous se ressemblent. Les chirurgiens y travaillent en joyeux artisans bricoleurs.


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